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Aiguille Verte: Arête des Grands Montets

09 Sep 2013 / 2 Comments / in Sans catégorie

Cela faisait un bout de temps que nous discutions « planning montagne » avec Fred pour le long weekend du Jeûne Genevois (Jour férié en Suisse) avec moult échanges de mails et de topos. L’Eiger ou le Grand Capucin, la traversée des Aiguilles de Chamonix ou la Kuffner. A moins que les Écrins … Finalement la bonne idée viendra de Fred : l’Arête des Grands Montets, itinéraire qui fini au sommet de la « mythique » l’Aiguille Verte ! J’avais déjà fait une croix sur ce sommet pour cette saison croyant être obligé d’attendre l’été prochain. Je n’ai pu qu’accepter cette proposition inespérée 🙂

La minute WikipediaL’aiguille Verte (4120m) est un sommet majeur du massif du Mont-Blanc. Son nom proviendrait de la teinte bleu-vert que prend la glace qui recouvre le sommet lorsque le soleil l’éclaire de profil. L’accès difficile au sommet quelque soit la voie et la célèbre citation de Gaston Rebuffat « Avant la Verte on est alpiniste, à la Verte on devient montagnard… » en font un incontournable !

Jeudi, 8h30. Nous sommes tous les deux dans la benne pour les Grands Montets. Il y a vraiment peu de monde, ça change des deux derniers mois ! Nous avalons rapidement la première étape de la course qui est une partie commune avec l’itinéraire pour la Petite Aiguille Verte. Arrivés au col nous quittons les autres cordées et nous engageons le long de l’Arête des Grands Montets versant Nant Blanc. Après ce col nous serons seuls, tous les deux, pendant une trentaine d’heure – va falloir bien s’entendre 😉

Jusqu’à la brèche de la tour carré nous déroulons bien et restons dans les horaires minimum du topo. Il y a pas mal de cairns et l’itinéraire est relativement évident. La fin de la remontée au pied de la pointe Farrar est une moment magique ou l’on découvre, d’un coup, tout le bassin d’Argentière.

Fred passe alors en tête pour le premier passage « difficile » une large cheminée en IV. Il monte, grimpe dans une cheminée … la trouve « un peu surplombante », redescend, se décale dans la cheminée voisine de 2m et sort finalement par le haut. Passage un peu physique qui râpe le sac et le tee-shirt, ou toutes les parties du corps servent pour faire des coincements ! La techniques des anciens !
Dans son élan Fred continue avec une dalle rayée horizontalement puis une fissure bien raide. Je lui fait remarquer qu’il a une technique bien à lui pour se protéger : il met des coinceurs tous les 2 mètres au début, puis au fur et à mesure de la longueur, en met de moins en moins 🙂

Nous enchaînons ensuite avec les deux rappels de la Tour Carrée et posons le pied sur de la neige. Et là, c’est l’éternelle question : Crampons ou pas crampons ? C’est souvent un dilemme : vais-je choisir de « perdre » 5 minutes à chausser les crampons ou bien les grosses et quelques coup de lattes dans la neige, suffiront-ils à passer ? (grosses = chaussures d’alpinisme) Finalement on cramponnera. Je pars ensuite en tête à la recherche d’une « large et accueillante cheminée » que je dois laisser pour ensuite trouver un « raide couloir » qui lui, est à remonter. J’avance et ne trouve rien a part un long couloir en glace, oui en glace : c’est la face nord. Je le dépasse et continue ma traversée dans un terrain scabreux rendu glissant par la neige. Impossible de trouver ce raide couloir. Après quelques palabres avec Fred nous décidons finalement de remonter le couloir de mixte, pour retrouver l’arête et aviser ensuite en haut.

Quel bonheur (ce n’est pas de l’ironie) que de se retrouver dans une pente de glace en plein été : je pensais encore devoir attendre quelques mois avant de retrouver les goulottes glacées que j’apprécie tant … Je me fais donc plaisir à retrouver les sensations du piolet dans la glace, des crampons qui accrochent par les pointes avant et des mollets qui chauffent.

Arrivés sur une petite terrasse nous comprenons que nous venons de prendre une variante de l’itinéraire. Il faut contourner un gendarme par le versant Argentière pour retrouver le pied de la pointe Ségogne. Le passage en traversée est de nouveau un peu scabreux, avec un pas « tricky » de désescalade ou Fred abandonnera un ficelou. Puis nous gravissons ensuite une magnifique dalle sur réglettes pour nous retrouver au pied du Passage de la voie. (avec un P majuscule). Je cite le topo de C2C : « une grande dalle fissurée en son centre (IV, IV+, soutenu et exposé, magnifique) ». Nous discutons courtement de qui ira en tête. Je suis partant pour partir en premier, Fred ira ensuite en premier dans la dalle suivante.

Pour rejoindre la fissure au centre de la dalle il faut faire une traversée, d’une 10aine de mètre, non protégeable. Le bas de la dalle « se jette » directement dans le vide, c’est vertical voir surplombant … une zipette et c’est un gros pendule et de quoi rester pendu sur la corde … et là, bonjour pour remonter. Ambiance.

Donc nous nous retrouvons ici, sans chaussons d’escalade (c’est pour les faibles !) et moi en tête :/ … Fred m’encourage, de toute façon c’est plus possible de faire demi tour. Avec mes grosses je traverse tout doucement, assurant chaque pas, chaque graton, puis à bout de bras coince un friend dans la fissure et me « jette » dedans avec des coincements de mains d’anthologie. Ca paaaaasse ! Puis je commence à grimper dans cette magnifique fissure à main dans une ambiance extraordinaire (photo dans le brouillard en bas de l’article). Des sensations de fou : j’ai eu un petit coup de flip dans la traversée mais après c’était de la pur adrénaline. Le cardio qui tabasse, les gestes qui sont précis, les placements de mains maîtrisés, tout le corps qui est au taquet, les prises de repères qui sont efficaces … j’ai vraiment eu l’impression de « vivre le passage ». Au sommet j’en revenait toujours pas. Pour moi c’était LE passage de la voie ! Au milieu, je me suis même arrêté pour partager ce moment avec Fred … qui lui m’encourageais plutôt pour que je sorte au plus vite.
Pour la petite histoire j’ai dû grimper la fissure avec 2 coinceurs, Fred en ayant perdu un plus tôt : tu grimpes, tu mets un coinceur, tu redescend 2m pour récupérer le précèdent et remonte et ainsi de suite … Un manège !

Le passage suivant est tout aussi « tricky », surtout qu’il y a de la neige dans la traversée avant d’attaquer la fissure proprement dite. Je cite Fred qui étais en tête (chacun son tour 😉 ) :

La deuxième fissure est 5 à 6 mètres à ma droite. Au milieu, il y a cette grosse plaque de neige, dans laquelle des traces de pas semblent disparaître mystérieusement… Où est passé le gars qui était là avant moi ? Je monte de 2 mètres au-dessus du relais puis trouve une fine fissure où j’arrive à caler un tout petit câblé.  Il affleure de la surface du rocher, mais grâce à ma petite expérience de l’artif je suis convaincu qu’il va tenir en cas de glissade. Je m’engage sur la plaque de neige après avoir récupérer mon petit piolet. Un pas, un deuxième, un troisième, la neige semble se dérober sous mes pieds. Je reste en place. Avec le piolet, je gratte la neige pour chercher une fissure, une petite irrégularité où je pourrais loger une protection. Je récupère mon piolet marteau avec la deuxième corde réservée au hissage. Puis, je tente de planter un piton dans une fine fissure. Mais celle-ci est bouchée, et le piton ne tient pas. Le temps passe, passe. Philippe m’encourage. Je sens qu’il s’impatiente. Il commence à avoir froid. Je réfléchis. Un mètre cinquante en dessous de moi, il y a une marche de dix centimètre de large sur vingt centimètres de long. Juste en dessous de cette marche une petite fissure. Est-ce le salut ? Aller, il faut tenter. Je refais un pas dans la neige, puis je réussi à venir me placer sur la marche. Accroupi, je place une lame dans la fissure. Elle tient déjà toute seule, je suis rassuré, ça va tenir. Quelques coups de marteau et je me sens déjà bien mieux. Encore deux pas en adhérence sur la droite et je rejoins la fissure du milieu. J’ai dû mettre au moins une heure à faire ces quelques mètres… Le reste de la fissure est avalée assez rapidement et j’atteins le sommet.

C’est ensuite à mon tour de passer. Etant en second je prends beaucoup moins de précaution pour passer, glisse sur la neige et fini par une beau pendule sur le granit. Ouch ! Une cuisse en mode pizza sur le granit rugueux !

Au sommet de la pointe Ségogne nous tirons les deux rappels versant Est et rejoignons en 5 minutes le bivouac au pied du col du Nant Blanc. Il est 20h et la nuit tombe. Je ne peux raconter ce qu’est un bivouac en paroi. Il faut le vivre. Personne ne comprendrait pourquoi je trouve que je mange « les meilleures pâtes de ma vie » (ce n’est toujours pas de l’ironie) alors que je suis assis sur une vire de 2m de large, au bord de 400m de vide, dans le froid, avec les pieds mouillés (qui puent, en plus !) et le bruit du réchaud ressemblant à un avion de chasse …

Lever 4h30. Départ 5h30. L’objectif est d’être au sommet pour le lever du soleil. Je suis devant et impose le rythme dans la pente de neige – je ne pars pas à fond mais garde une cadence continue. Fred suit, étonnement bien pour quelqu’un qui a passé ses 3 dernières semaines aux US (ouah les clichés l’autre hé !). L’ambiance est extraordinaire, la frontale sur la neige, la pente de neige à 45°, le cœur qui bat rapidement, la respiration qui s’essouffle (on est à 4000) et les couleurs du ciel. Magnifique dégradé de orange et de violet sur les sommets environnants. L’esprit qui s’émerveille de cette nature si belle … et qui reste concentré pour passer les quelques crevasses bien bouchées.

La pente s’adoucit, le sommet est proche et accélère le pas. Je sens la corde se tendre mais Fred suit toujours. Et puis arrive le moment ou plus rien ne gâche l’horizon, ce lieu ou tout ce qui est environnant ne fait que descendre : le sommet. Je pousse un cri (de joie) et assure Fred dans les derniers mètres. Deux minutes après notre arrivée le soleil se lève ! Timing parfait.
Magie indescriptible de la beauté de la nature, de la connivence silencieuse entre les compagnons de cordée devenus « montagnards », des souvenirs de la montée, de l’effort accompli, de ce que représente ce sommet dans la mémoire collective …

Puis, descente par l’arête du Moine. En un mot : paumatoire ! Nous avons été tout le long sur le bon itinéraire mais nous n’avons jamais été sur d’être vraiment au on endroit 🙂 On a juste « progressé au plus évident » ! Et ça a marché. Mais c’était quand même mort long : tu sais que la course n’est pas finie, il fait chaud, tu crames au soleil, l’itinéraire est comme « un gros cairn » … tu passes ton temps à chausser les crampons, tirer des rappels, lover la corde, déchausser les crampons, prendre et reprendre un piolet … Nous avons finalement repris pied sur le glacier à 12h, mis une heure pour rejoindre le refuge du Couvercle et avons ouvert nos palais aux saveurs délicieuses de l’eau américaine (un coca quoi 😉 ).

Une belle conclusion d’un bel été … une course qui est certainement dans mon top 3. Itinéraire pas très dur techniquement mais ou la gestion du timing et de l’effort doit primer. La difficulté de cette course réside plutôt dans la longueur de l’itinéraire ou il faut sans cesse enchaîner et anticiper.

Ce que je retiens de cette course : Magie indescriptible de la beauté de la nature, de la connivence silencieuse entre les compagnons de cordée devenus « montagnards », des souvenirs de la montée, de l’effort accompli, de ce que représente ce sommet dans la mémoire collective … Merci Fred !

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2 Responses to Aiguille Verte: Arête des Grands Montets

  1. farouk says:

    BRAVO

    enfin des montagnards !
    je vous garde pour les prochaines courses !

    trop trop bien les récits

    au plaisir d’être au bout de corde avec vous

    Répondre
  2. chapi says:

    Je viens de relire ton petit récit. Que de souvenirs! C’était un grand moment. On en vivra d’autres. Chapi.

    Répondre

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