Le tibia qui déchausse …
L’histoire se répète … mais en plus grand cette fois !
Tout avait pourtant bien commencé. Jingi m’avait proposé de partir skier à la frontière Italie-Suisse pour enchainer quelques sommets à plus de 4000 mètres. Estelle s’absentant pour quelques jours, j’étais tout content de pouvoir voir autre chose que la combe de Balme (La Clusaz) et de pouvoir faire des globules.
Départ samedi de Greysonney-la-Trinité dans le Val d’Aoste pour monter passer la nuit au refuge Gnifetti (3600m). A cause du vent fort les remontées mécaniques ne sont pas toutes ouvertes et nous finirons en peaux en louvoyant dans le brouillard entre les éperons rocheux pour rejoindre le refuge. Le vent a tellement déplacé de neige que nous mettrons une petite heure pour trouver la bonne porte du refuge d’hiver complètement enfouie sous la neige.
Soirée en refuge d’hiver avec la petite ambiance que l’on n’oublie pas : la soupe brûlante bue dans la vapeur des pâtes qui cuisent, le combo bonnet+doudoune+frontale, les peaux qui s’égouttent au-dessus du réchaud … tout ça dans les hurlements du vent qui fait craquer le refuge en bois.
Echaudés par nos errements la veille dans le brouillard et par le dédale de crevasses à côté du refuge, nous décidons d’attendre l’aurore pour décoller et d’attaquer encordés la montée sur le glacier.
Première étape le col de Lisjoch vers 4200m. Les sommets se révèlent à nous un par un dans un magnifique lever de soleil. Le paysage est à couper le souffle – enfin, ce qui reste de souffle vu l’effort en altitude ! – et des sommets dont Jean m’a parlé X fois apparaissent au fur et à mesure (Dufourspitze, Lyskam, Cervin, …)
Y’a pas à dire, nous autres français avons le Mont Blanc, mais les Suisses ont indéniablement les plus jolis 4000.
Arrivés 50m sous le sommet Zumsteinspitze (4550m), nous laissons les skis pour faire l’aller-retour au sommet avec les crampons. Les bourrasques de vent sont toujours aussi fortes, nous obligeant à progresser parfois à 4 pattes.
Dans la redescente, je me prête au jeu du modèle pour Jingi qui fait ses photos. « Look at me », « Turn around », « Remove your hood », « Walk a little bit », « Again » etc … Oui, Jingi est coréen et nous communiquons en anglais.
Vu l’horaire, nous décidons de faire une petite traversée et d’enchaîner avec un deuxième sommet, la VincentPyramid (4215m). Arrivés au pied du ressaut final, les rafales de vent sont tellement violentes que nous avons peur d’être déstabilisés avec les skis sur le sac et choisissons de faire demi-tour. Tant pis, on reviendra. Nous chaussons les skis avec la perspective d’une bonne descente bien longue de 3500m de D-.
Malheureusement la neige est très travaillée par le vent … et 2 minutes après avoir attaqué la descente, en skiant à basse vitesse, j’enfourne les deux skis dans une congère. Le vol en avant avec le lourd sac sur le dos, le ski droit qui déchausse … et le tibia gauche qui « déchausse » avant le ski … Aïe !
Il est 14h. Je me souviens de la douleur fulgurante dans la jambe avant de gueuler – désolé il n’y a pas de mot poli pour ça ;). A moitié en hurlant, je demande à Jingi de déchausser mes skis. Soulagé de la douleur, je bouge ma jambe gauche et vois immédiatement que « Something is wrong ». Quand je bouge le genou, le pied reste immobile et je sens « quelque chose » se déplacer dans ma jambe. Fracture ! La première pensée qui me vient à l’esprit sont les épreuves des probas du guide qui sont dans 3 semaines … j’en parle à Jingi … qui me rappelle que la première chose à penser est avant tout les secours !
Retour à la réalité, en état de choc, j’enfile toutes les couches de vêtements possibles et m’installe couché au soleil. La douleur reste supportable du moment que je ne bouge pas ma jambe. Il y a juste ce vent de &$@# (complétez par le mot de votre choix) qui me fouette la face et la neige qui me rince le visage.
Après une analyse rapide de la situation (situation, localisation, météo, …), j’appelle le 112. Très vite, je peux parler avec un guide de la vallée d’Aoste et lui explique la situation. L’hélico devrait décoller rapidement.
Puis c’est l’attente. Longue. Couché dans la neige à 4100m d’altitude avec une jambe cassée. L’incompréhension de la chute … et toujours ce vent qui nous ravage la face.
14h45 : un hélicoptère passe mais il ne nous cherche pas au bon endroit. Nous le voyons tourner, tout proche mais trop loin pour nous repérer, avant de faire demi-tour. Un opérateur des secours me rappelle dans les minutes et nous demande des précisions sur notre localisation en nous rappelant que le vent rend le secours difficile.
L’attente. Encore.
16h Un second hélicoptère, suisse cette fois ci, passe et fais des ronds pour nous repérer. Vu les manœuvres qu’il fait nous ne saurons pas si les secouristes nous ont vus (ou pas !).
Voyant le soleil commencer à descendre doucement, Jingi commence à creuser un trou/igloo pour m’abriter du vent et, hypothétiquement, y passer la nuit. Le vent n’a pas mollit, je sens mes orteils devenir durs comme du bois dans mes chaussures.
17h : Un troisième hélicoptère passe et nous repère immédiatement. Il fait quelques circonvolutions avant de repartir définitivement. WHAT ?!? 10 minutes après déboulent de nulle part deux secouristes guides que l’hélicoptère avait « largués » dans un coin à l’abri du vent. Ouf ! Rapidement, ils analysent la situation et me préparent à l’embarquement.
L’hélico arrive et, en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire, il descend pour stationner à 1m du sol, les secouristes me balancent littéralement dedans (sans attelle, sans morphine, sans médocs … j’ai douillé !), ferment la porte et nous reprenons immédiatement de l’altitude. Seul à l’arrière je sens l’hélico se balancer au grès des secousses du vent. Conscient, j’en « profite » pour faire une petite vidéo couché sur le siège arrière.
La suite n’est que l’enchaînement des secours : un deuxième hélico m’emmènera à l’hôpital d’Aoste ou la radio confirmera la fracture du tibia. Retour à Annecy avec un plâtre temporaire avant la pose de vis et de broches … et quelques mois de rééducation.
L’année dernière je m’étais cassé la main, le plus petit plâtre possible. Maintenant j’ai changé de taille ! C’est vraiment la guigne. JD dirait que c’est la variance : plus tu skies, plus tu as de chance d’avoir un accident (bon, c’est la même chose avec la voiture hein). Pétard. Une chute anodine à faible vitesse ! J’aurais dû skier en grandes courbes 😉
Deux bon points pour lesquels je suis reconnaissant : mes genoux sont en parfaite forme et je n’ai pas l’ombre d’une gelure aux orteils, même après 4h d’immobilisation dans le vent et le froid. Bref, en une journée, je fête mes deux premiers vols en hélico. Champagne ? (ou pas).
Jingi si tu passes par là, juste Merci.
Pour les détails techniques, je commence donc 6 semaines d’immobilisation TOTALE puis 1.5 mois de rééducation. En juin je devrais pouvoir recommencer la grimpe – peut être pas l’ultra trail tout de suite hein 🙂 . Je n’ai plus de plâtre mais juste une plaque et des vis, pratique pour la douche et le travail de la mobilité de la cheville.
Bien sur, à trois semaines des épreuves de ski, cela repousse (encore) d’une année ma participation aux probas de l’aspirant guide. Du coup ça ouvre la porte à d’autres projets. Parapente ? 🙂
La vidéo de l’hélico elle est où?
Que d’aventures…reconnaissant de te savoir en sécurité sur le plateau des vaches. La parapente ? Stylé…
hello Philippe
Je pense bien à toi. Courage pour l’immobilisation TOTALE.
Tu a été courageux. ouf l’hélico a pu venir te prendre. Je connais cet endroit et y a un peu de chemin avant la voiture…
tu es jeune, le proba sera encore là l’an prochain.
patience…
Allez à bientôt
De tout cœur avec mon frère! Puisse Dieu t’apporter le réconfort familial, la guérison et sa paix!!!
C’est peut-être bien rapé pour l’UTMB, mais ce sera bon pour la Sainté-Lyon. Histoire de faire un peu de foncier avant le proba 2017.
Courage, c’est l’expérience qui rentre..
Au plaisir de te revoir sur une montagne.
Satané congère , avec en plus des chaussures de rando dont la rigidité est souvent très forte en mode descente dont tibia n’ a pas eu le choix… je te souhaite un très bon rétablissement.
Au plaisir de te revoir en montagne ou ailleurs.
Bon, je t’ai déjà tout dit sur FB mais le parapente c’est chouette ! Je suis en train de m’y mettre ici en Guyane, vu que grimper c’est pas trop possible (y’a du dénivelé mais pas de rocher ^^ ), il me reste que le trail, tu devrais venir tester une fois rétabli, y’a un bel ultra de 83 bornes en forêt amazonienne, ça envoie comme il faut =)
Philippe, je découvre juste ton post. Je suis bien dégoûté pour toi. Je sais ce que représente l’investissement de la participation aux épreuves. Garde la foi (ton post est rassurant sir ce point) à bientôt.
De tout coeur avec toi, je reste impressionné par ton attitude positive et je te souhaite un complet et rapide rétablissement, pour avoir le plaisir de relire au plus vite tes récits de montagne.
Bon courage!
Bon et rapide rétablissement ! Bravo pour tes récits vraiment bien écrits
Sylvain (Youri’s bros)
Ps : c grave si on fait pas de montagne et qu on est addict à ialpiniste ?
Ce qui serait grave c’est que ce soit IAlpiniste qui te donne gout pour la montagne 😉
La Rage c’est ça … Il a eu très froid, très mal, très peur et que fait-il lorsqu’il est embarqué à bord de l’hélico ? Il fait une vidéo 😀 oui ! c’est ça la Rage !